samedi 4 février 2012

La reine du silence

Chut, nous sommes le mercredi 1er février...

Coïncidences, échos, hasard, passerelles.
Je viens de terminer la lecture de La Reine du silence, de Marie Nimier, auteur que j'apprécie tout particulièrement pour son imagination débridée, ses personnages tellement humains même en girafe, tellement vrais dans leur peau.
Son style, sa justesse d'écriture enfin.
Mais cette fois-ci, l'imaginaire et la fiction ne sont pas au rendez-vous.


Dans son livre, Marie Nimier parle (enfin ! diraient certains) de son père, rendu célèbre à 25 ans par Le Hussard bleu. Un écrivain, pardon, un grand écrivain, mais pas seulement ; un personnage de roman à part entière, mort dans un accident de voiture avec une autre femme que la sienne. Un personnage de roman donc, et non un père. La fille de l'écrivain, pardon, l'écrivain, l'écrivaine, l'auteure, l'auteur nous entraîne à la recherche de ce papa qu'elle n'a pas eu, qu'elle n'arrive même pas à se représenter. Passé, présent, passé, présent, repassé, nous accompagnons Marie Nimier, sommes dans l'attente, écoutons avec attention ce que nous apprend sa famille proche et les "proches" de cet inconnu célèbre.


Quel père découvrira-t-elle ? Elle s'interroge, nous suivons ses pas, ses peurs, ses hésitations, ses démêlages de vérité, ses retours en arrière, recommencements, répétitions, remémorations, révision de l'histoire, leur histoire, celle des autres, la leur, son histoire à elle, son histoire à lui.
Elle, par lui surnommée reine du silence…

"De lui, il me reste peu de souvenirs, et quelques trésors : une montre qui sonne les heures, un stylo dont la plume penche à droite et cette carte postale, où il me demandait en lettres capitales :
QUE DIT LA REINE DU SILENCE ?"

Que dire face à un monstre de la parole ?

Echos de nouveau.

J'ai toujours considéré l'écriture comme un refuge de silence face au brouhaha de l'oral, au vacarme agressif de l'extérieur. Dans la tête, le tumulte des mots s'organise, le langage sort comme il faut. Dit exactement ce que l'on veut lui faire dire. Quand on parle on en dit déjà trop. La langue et son cortège d'émotions l'emporte sur le langage. Enfin, j'ai toujours eu cette impression. Je n'ai peut-être jamais su parler. Ni me taire. Problème.

Les émotions, le vécu, s'exprimer, être, savoir qui l'on est, si l'on est bien la fille de son père, il est question de tout cela dans La Reine du silence.
Marie Nimier tente de passer son permis pendant le temps d'écriture de son roman. Un défi qui va de pair (de père) avec son enquête (sa quête) personnelle. Elle le rate, bien sûr (son permis).
Comment réussir avec ce fantôme dans le rétroviseur, l'accident répété de l'Aston Martin, la tôle froissée et les corps des amants exposés dans les journaux ?
Elle recommence. Têtue, la reine du silence.



Le sens de l'amour, de Michel Boucher, Le code de la route, de Mario Ramos.
Le fameux code, elle l'a eu du premier coup. Et moi ?
Je n'ai jamais tenté de passer mon permis, Parisienne que je suis. Certes, ici, à Morteaux Couliboeuf, la voiture me manque cruellement. Me murmure que je ne suis qu'une enfant à la merci des uns et des autres. Il y a un mois, m'a traversé l'esprit l'idée de passer mon permis pendant ma résidence. Une idée de plus qui a tourné au coin de la rue. Et disparu.
Et Marie alors ?
Marie vit en Normandie.

"De retour en Normandie, j'ai raté pour la deuxième fois mon permis de conduire - j'ai calé à trois reprises au même feu vert près de l'hôpital, il y avait beaucoup de circulation pour une petite ville de province, quelqu'un a klaxonné, l'inspecteur n'a pas apprécié, comme si c'était à lui personnellement que s'adressaient les coups de Klaxon. Sa réputation était en jeu. Il regardait autour de lui d'un air excédé. Ses oreilles se sont mises à rougir, puis son cou, puis le feu au moment où je réussissais à redémarrer. Alors, l'inspecteur s'est dégonflé en émettant un sifflement entre ses dents. J'ai respiré profondément. Le feu est repassé au vert. Les derniers piétons terminaient leur traversée. Le moteur a toussé un peu, mais n'a pas calé. Il pleuvait, mes chaussures étaient mouillées et la semelle grinçait chaque fois que j'exerçais une pression sur la pédale d'embrayage. L'essuie-glace crissait lui aussi, je crois qu'il allait un peu vite, mais je ne me souvenais plus de quel côté il fallait tourner la manette pour le régler. L'inspecteur m'a dit :
- Garez-vous juste après la laverie automatique, mademoiselle.
Je n'ai pas apprécié le mademoiselle. Tu trouves que je suis trop susceptible ? Qu'il fallait prendre ça pour un compliment ? J'avais déjà mis mon clignotant depuis un moment lorsque le scooter m'a doublée par la droite. L'inspecteur a écrasé la pédale du frein."


Je ne sais pas si Marie Nimier, depuis qu'elle a terminé son livre, a obtenu son permis de conduire.
Ou un autre permis. Sûrement.
Ce qui est sûr c'est que nous, lecteurs, en tout cas moi, je souhaitais qu'elle l'ait. Sans blague, j'ai très envie de le lui donner.

Tu me conduis à Falaise, Marie ?


Je ne te poserai pas de question qui fâche. Je sais.
Je ne parlerai pas. J'écouterai le crissement des pneus, je regarderai la route et le paysage qui défile en silence.

"On me demande si, à mon avis, très honnêtement, enfin la question de l'hérédité, en somme, s'il y a des gènes pour ça, des gènes de l'écriture. Tous les ans, c'est la même histoire. Comme les régimes amaigrissants ou le salaire des cadres, le dossier filiation s'impose de manière saisonnière."

Que dit La Reine du silence ?

Beaucoup de choses, vraiment. Sans faire de bruit. Et en conduisant son chemin.
De quoi nourrir mes jours à Morteaux-Couliboeuf.

3 commentaires:

  1. Je n'ai jamais lu cette auteur, Marie Nimier mais la description du livre et les quelques passages donnent envie !
    Ne pas avoir son permis de conduire ! :)Cela restreint la liberté, non ?

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  2. Marie Nimier c'est, entre autres, "Anatomie d'un choeur", "Les inséparables", "La girafe", "Vous dansez ?"...
    Je parlerai de ce dernier livre dans mon prochain "papier-écran".
    Pas de permis, eh oui ! C'est un défaut courant chez les Parisiens. J'essaye de me convaincre que la liberté est autre part.

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  3. J'ai pourtant vécu longtemps à Paris mais sans voiture, on ne peut pas en sortir ... :)

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